Les relations bilatérales entre la Suisse la Côte-d’Ivoire, le Burkina Faso, la Guinée (Conakry), le Libéria et la Sierra- Leone se portent bien. Elles ont des bases « solides et anciennes ». Première partie d’un entretien avec M. Thomas Litscher, Ambassadeur de Suisse dans ces pays, avec résidence à Abidjan.
Comment se présentent les relations diplomatiques entre, d’une part, la Suisse et la Côte d’Ivoire, et d’autre part, entre la Suisse et les autres pays voisins dans lesquels vous êtes aussi accrédités, à savoir : le Burkina Faso, la Guinée (Conakry), le Libéria et la Sierra Leone ?
En 1920 déjà la Suisse a ouvert un Consulat à Freetown, en Sierra-Leone. Des représentations officielles suisses ont suivi à Abidjan (Côte-d’Ivoire), avec un Vice-Consulat en 1952, ainsi que deux Consulats à Monrovia (Libéria) en 1954 et à Conakry (Guinée), en 1959. Le Conseil fédéral a reconnu sans délai l’indépendance de la Guinée, le 13 octobre 1958, de la Haute Volta (actuel Burkina Faso), et de la Côte- d’Ivoire les 5 et 7 août 1960 et enfin de la Sierra Leone le 17 avril 1961. Les représentations consulaires sont élevées en rang d’Ambassades à Abidjan en 1961 et à Conakry et Monrovia en 1965. Cela traduit l’importance que la Suisse accorde à la sous-région et reflète ses intérêts économiques : Nestlé fabrique du Nescafé en Côte d’Ivoire dès 1959 ; pour Alusuisse les mines de bauxite en Sierra-Léone exploitées à partir de 1963 deviennent son premier fournisseur ; « Monrovia Breweries » – entreprises suisse – voit le jour en 1961 et – fait particulièrement parlant – Swissair inaugure en avril 1965 sa route Zürich – Genève – Abidjan – Monrovia qu’elle continue d’exploiter sur Abidjan jusqu’à son « grounding » en 2001.
Les bases des relations bilatérales sont donc solides et anciennes et se concrétisent aujourd’hui dans des visites officielles assez fréquentes. L’an dernier le Président burkinabè et le Vice-Président libérien ont été reçus à Berne, ainsi que le Ministre de la Sécurité et de la Protection civile de la République de Guinée. Plus récemment le Conseiller fédéral Schneider-Ammann a conduit une double Délégation économique et scientifique en Côte d’Ivoire.
A y regarder de près, on constate que votre « zone de couverture » comprend deux pays francophones et deux pays anglophones. Comment arrivez-vous à trouver l’équilibre entre ces différences linguistiques ?
Pour l’Ambassade cela ne présente aucun problème. Nous travaillons aussi bien en français qu’en anglais. Mais il me semble que le fait de ne pas partager la même langue, le même passé colonial n’a pas favorisé l’intégration régionale du Libéria et de la Sierra Léone. Ils sont restés à l’écart de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine, ne partagent donc pas le Franc CFA avec les huit membres de l’Union. Ils sont aussi moins intégrés en ce qui concerne les infrastructures économiquement importantes tels que les corridors routiers, énergétiques ou de télécommunications de la sous-région. Vu l’étroitesse du marché intérieur de ces deux pays le degré relativement peu élevé d’intégration régionale parait particulièrement désavantageux.
Ces pays dans lesquels vous êtes accrédités ont connu des fortunes diverses au cours des 10 dernières années. Guerre civile au Libéria et en Sierra-Leone. Instabilité politique et troubles politico-militaires en Côte-d’Ivoire, instabilité politique et évolution démocratique difficile en Guinée, révolte populaire et incursions islamistes au Burkina Faso. Comment la Suisse contribue-t-elle à la stabilité et au redressement dans ces pays ?
Les guerres civiles au Libéria et en Sierra Léone ont pris fin en 2003 respectivement 2002 déjà. Mais le processus de redressement était long. La Suisse y a contribué aussi bien sur le plan bilatéral que multilatéral. Après l’aide humanitaire fournie pendant les conflits la Suisse a ouvert un bureau de coopération régionale à Freetown qui a été délocalisé à Monrovia après les élections démocratiques au Libéria fin 2005. Côté multilatéral, les deux pays ont connu une intervention très substantielle des Nations Unies, dont celle au Libéria n’a pris fin qu’en mars de cette année. Au-delà de ses contributions régulières la Suisse a soutenu l’effort onusien de promotion et maintien de la paix avec des appuis spécifiques en personnel technique de police et des douanes. C’était d’ailleurs aussi le cas avec l’ONUCI (Opération des Nations- Unies en Côte- d’Ivoire) qui a accompagné la sortie de la crise et la stabilisation du pays pendant treize ans. Faut-il le rappeler que ces missions onusiennes ont toutes été achevées avec succès.
Le Burkina Faso est un partenaire prioritaire de la coopération suisse depuis plus de quarante ans. Cet appui au développement dans la durée est en soi un facteur positif sous l’aspect de la stabilité. Mais la Suisse s’est aussi engagée avec des moyens complémentaires et ciblés pour faciliter et soutenir la transition politique après l’insurrection populaire de 2014. Concernant la lutte contre le terrorisme la Suisse s’engage dans la Prévention de l’Extrémisme Violent dont elle a fait un axe prioritaire. Le Burkina Faso est un partenaire dans les activités y respectives.
Plus généralement parlant la Suisse considère l’intégration régionale comme un élément stabilisateur. Elle a formalisé son partenariat avec la CEDEAO (NDLR : Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest) l’an passé. Depuis 2013, la Suisse co-préside pour le compte des partenaires techniques et financiers le Groupe Thématique Paix et Sécurité de la CEDEAO. Elle soutient donc activement le rôle de plus en plus important qu’a su se créer cette organisation d’intégration régionale dans le domaine de la gestion de conflits ainsi que de la promotion et du maintien de la paix.
Enfin il sied de mentionner la contribution du CICR (Comité international de la Croix-Rouge) dans la prévention de conflits et la protection des victimes de conflits armés et d’autres violences et de leur porter assistance. La Suisse est un des contributeurs majeurs du CICR.
A suivre…
Propos recueillis par IC