Dans cette deuxième et dernière partie de l’interview de M. Thomas Litscher, Ambassadeur de Suisse en Côte-d’Ivoire, en Guinée, au Libéria et en Sierra-Leone, avec résidence à Abidjan, nous abordons avec lui les volets santé et présence économique suisse dans ses pays d’accréditation.
Trois de ces pays : Guinée, Libéria et Sierra-Leone sont appelés le « bec du perroquet » et restent fortement marqués par le passage douloureux de l’épidémie de fièvre hémorragique Ebola, il y a trois ans. Quelle place occupent-ils dans les différents programmes suisses dans la sous-région ?
Même si sous l’aspect du développement humain et de la pauvreté les trois pays se rangeaient parmi les dix derniers selon le classement du Programme des Nations Unies pour le Développement, les années précédant la crise Ebola avaient été prometteuses. La croissance au Libéria dépassait 8% par année et se comptait même en doubles chiffres en Sierra Léone. Et les perspectives s’annonçaient aussi plutôt bonnes en Guinée suite à la première élection démocratique présidentielle de 2010. C’est sur ce fond d’embellie que la Suisse entendait terminer son programme d’assistance régional et fermer son bureau d’aide humanitaire à Monrovia en 2014. L’épidémie de la fièvre hémorragique Ebola a fondamentalement changé le scénario. Au-delà des souffrances et pertes humaines, l’économie et les systèmes sanitaire et éducatif ont été fortement tributaires de cette crise. La Suisse a mobilisé vingt millions de francs additionnels pour contribuer à la lutte contre le fléau. Le bureau de coopération humanitaire est resté opérationnel jusqu’en 2016, donc bien au-delà de la maitrise de la crise. Comme on le sait, la coopération bilatérale au développement de la Suisse se concentre pour des considérations d’efficacité sur un nombre très limité de pays partenaires. Dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, ce sont le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Tchad, le Bénin et le Ghana.
Du point de vue économique, que dire de la présence des entreprises suisses dans ces pays ?
Comme évoqué dans ma réponse à la première question, les entreprises suisses se sont engagées tôt dans mes pays d’accréditation. Cependant, suite aux guerres, il ne reste actuellement qu’une présence significative en Côte-d’Ivoire. Mais celle-ci est considérable. La Suisse y compte parmi les investisseurs étrangers directs les plus importants. L’éventail est large et couvre l’agroalimentaire (usines Maggi et Nescafé de Nestlé, usines de transformation de cacao de Barry Callebaut), la construction (LafargeHolcim, Sika, Implenia), l’énergie (ABB, Oryx, Trafigura), les machines (Bühler, Mettler Toledo), la chimie et l’industrie pharmaceutique (Syngenta, Roche, Novartis) ainsi que des prestataires de service (MSC, SGS). L’apport de ces entreprises en termes de création de valeur ajoutée locale, d’innovation et de responsabilité sociale des entreprises est remarquable.
Comment l’image de la Suisse est-elle perçue dans ces pays ?
Le Père Fondateur, feu le Président Houphouët-Boigny, rêvait de faire de la Côte d’Ivoire la Suisse de l’Afrique. Cela traduit l’estime qu’il nourrissait pour la Suisse et qui a marqué la perception positive des générations à venir. C’est l’action humanitaire qui a imprégné une image similairement favorable de notre pays au Libéria et en Sierra Léone ravagés par des guerres civiles brutales. Au Burkina Faso la présence ancienne et pérenne de notre coopération aussi bien sous forme d’aide publique qu’à travers des ONG suisses a créé des liens particuliers d’amitié. En ce qui concerne la Guinée, je ressens aussi une attitude très favorable envers la Suisse sans que je puisse identifier un élément particulier qui soit à son origine.
Comment renforcer la présence suisse dans ces pays ?
Je pense que soigner les relations bilatérales par des visites est important. J’ai donc beaucoup apprécié que le Conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann ait emmené en mars dernier une double et importante délégation économique et scientifique en Côte d’Ivoire. Cette mission a permis entre autres de mettre en lumière le Centre Suisse de Recherche Scientifique créé en 1951 près d’Abidjan et qui reste la pièce maitresse du rayonnement de la Suisse en matière de recherche dans la sous-région. Mais il faut aussi mettre en valeur nos atouts avec la Genève internationale, le WEF de Davos ou encore le fait que le Africa CEO Forum se tient alternativement à Genève et Abidjan. Il faut sensibiliser nos opérateurs économiques aux opportunités que les marchés offrent, utiliser à plein l’instrument des bourses de la Confédération, chercher des synergies avec des initiatives d’ONG suisses, saisir les occasions qui se présentent dans dans domaine culturel.
Propos recueillis par IC