Mali-Suisse : « Que la Suisse continue d’assister et d’accompagner le Mali », déclare un ancien Premier ministre après le coup d’Etat du 18 août

M. Moussa Mara, ncien Premier ministre du Mali 2014-2015.

M. Moussa Mara, ancien Premier ministre du Président Ibrahim Boubacar Keita, renversé par les militaires, le 18 août dernier, en appelle à la Suisse. Figure politique de grande envergure, il a demandé à Berne, dans une interview à reflets suisse-afrique, de poursuivre son appui au Mali, « avec discrétion et efficacité ». Nous vous proposons ci-dessous, l’intégralité de cet entretien.

Vous avez été Premier ministre du Mali de 2014 à 2015. Votre pays est secoué pour la quatrième fois depuis son indépendance, par un coup d’état. Que vous inspire ce forfait ?

Une grande tristesse et le sentiment d’une défaite personnelle et collective. Le Coup d’Etat est une conséquence de malaise, ce n’est pas une cause.

Lors d’un sommet virtuel, le jeudi 20 août, les Chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique (CEDEAO) ont pris un certain nombre de mesures contre le Mali. Ils ont aussi réclamé le retour du Président Ibrahim Boubacar Keita à la tête du pays. Comment appréciez-vous cette revendication ?

Ce sommet a décidé de mesures très fortes contre le Mali et ses dirigeants de fait. Nous estimons qu’un retour du Président Keita n’est pas envisageable, et que le coup d’Etat bien que condamnable, est soutenu par une large part de nos populations. Il est plus efficace d’avancer, et de voir dans quelle mesure on pourra retrouver un ordre constitutionnel normal

Avec ce coup d’Etat, peut-on parler de malédiction du Mali ?

On peut le dire, mais même la malédiction n’est pas une fatalité ou un hasard. Nous avons failli dans l’œuvre de consolidation de la démocratie et de renforcement de l’Etat. Il nous faut tirer les leçons courageuses de cela et nous engager dans une démarche de refondation.

Le Mali était déjà une grande préoccupation pour la communauté internationale, à cause de la violence armée des groupes radicaux musulmans et des rebelles au Nord. A cela s’ajoutent les troubles intercommunautaires au centre. Pensez-vous que dans ce contexte, qu’un coup d’Etat soit une solution ?

Non évidemment pas ! Le coup d’Etat est condamnable et nous l’avons condamné. Mais il a été perpétré. Il faut le constater et travailler à relever le pays. Il ne faut pas se lamenter sur le lait versé. Il faut travailler à éviter qu’une autre bouteille se verse ou que la ferme elle-même soit détruite.

Comment voyez-vous l’avenir de votre pays maintenant, du fait de ce coup d’Etat?

Du chaos peut naître de l’espoir. Tout n’est pas perdu. Les Maliens ont le sentiment de côtoyer le précipice. Certains pensent que nous sommes dedans. Ils sont prêts à faire des efforts. Il faut que leadership de notre pays se convainc qu’il est grand temps de changer et de changer radicalement. Que nous apprenions à nous sacrifier et à laisser nos quêtes de postes et d’avantages au profit du bien-être des populations. Que nos Institutions soient solides, non pas par les têtes ou les armes mais par la légitimité populaire elle-même nourrie par les solutions apportées aux difficultés de nos compatriotes.

Pour la Suisse, le Mali est un pays prioritaire de sa coopération. En tant qu’ancien Premier ministre, comment appréciez-vous cet engagement de la Suisse dans votre pays?

Nous avons de très bonnes relations avec la Suisse. Efficacité et discrétion ! J’apprécie particulièrement les nombreuses interventions de la Suisse en faveur de la décentralisation et des collectivités locales. En tant qu’élu local, cela m’est tout à fait agréable. Je trouve d’ailleurs que le modèle étatique, institutionnel et démocratique Suisse peut inspirer notre pays sur certains plans.

Etant une grande figure de la vie politique au Mali, quel message adressez-vous à la Suisse ?

Que la Suisse continue d’assister et d’accompagner le Mali, avec discrétion et efficacité. Que les autorités suisses sachent que ce qui se passe actuellement est difficile mais que tout n’est pas perdu.

Propos recueillis par IC