Aux portes du désert Ténéré, Agadez, il y a peu de temps encore, connaissait un flux important de dizaines de milliers de migrants traversant le Sahel vers l’Europe, en quête de sécurité et d’une vie meilleure. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. La route et ses dangers, de nouvelles politiques migratoires toujours plus restrictives, tant en Europe qu’au Niger, en ont découragé beaucoup.
Agadez reste une ville de transit pour de nombreux migrants expulsés des pays limitrophes – notamment de l’Algérie et de la Libye. Quelques-uns choisissent d’y recommencer leur vie. Entre un Nord de plus en plus inaccessible et un retour au pays improbable, certains travaillent, fondent une famille, mais leur statut de migrants irréguliers les maintient dans un état de vulnérabilité et d’incertitude.
« Malheureusement, nous ne pouvons ni aller de l’avant, ni rebrousser chemin malgré les obstacles. Des gens sont en prison en Libye et même ici, à Agadez. Les mesures de contrôle rendent la vie dure aux migrants », explique Lamine, un Gambien qui garde toujours l’espoir de partir pour venir en aide à ses proches restés au pays. Il vivote de petits boulots sur des chantiers de construction.
LA CROIX-ROUGE AU FRONT
Ousmane, un migrant d’origine sénégalaise, recrutait à Agadez des candidats au voyage pour les passeurs. Il raconte : « A l’époque, nous n’avions aucun problème. C’était notre travail, notre bureau. On ne se cachait pas, on ne fuyait pas les contrôles. Je réalise que ce travail ne marche plus aujourd’hui. Trop de problèmes. On est pourchassé. J’ai souffert ici, j’ai même été à deux reprises en prison ». Pas question pour lui de retourner au Sénégal, sa vie n’est plus là-bas. Il a épousé une Nigérienne et travaille sur des chantiers.
Baboucar, ami de longue date d’Ousmane, vit à Agadez depuis 2013. Avant, il aidait les candidats à l’exil à trouver des moyens de transport. Tout comme lui, il a décidé de changer de vie quand la situation a changé et vit aujourd’hui avec sa famille à Agadez ou il s’est spécialisé dans l’élevage. « Nous aidions les chauffeurs à trouver des voyageurs, mais c’est prohibé désormais. Nous avons dû nous adapter et ne refuser aucun petit boulot pour subvenir aux besoins de nos familles », raconte-t-il.
Depuis l’entrée en vigueur d’une loi pour lutter contre l’immigration irrégulière, les migrants se sont faits plus discrets mais parallèlement les besoins humanitaires ont augmenté. La Croix-Rouge (CICR, Croix-Rouge nigérienne et Croix-Rouge française) aide les plus vulnérables d’entre eux en leur fournissant des soins de base. Depuis le début de l’année, près de 3’000 migrants ont été aidés par des équipes de la Croix-Rouge française tant dans un centre de santé que lors de visites de «ghettos» où vivent des migrants. Maux liés à une mauvaise hygiène, infections respiratoires, paludisme sont tour à tour soignés et des visites prénatales effectuées. A titre de comparaison, l’an passé pendant la même période, 1’817 migrants étaient pris en charge.
REPONDRE AUX BESOINS HUMANITAIRES
Le flot de migrants vers le Nord ne s’est pas tari pour autant. Près de la gare routière, un kiosque de téléphones portables soutenu par le CICR a été installé pour permettre aux migrants qui n’ont plus de contacts avec leurs familles d’appeler gratuitement leurs proches. Près de 3’500 appels ont été facilités depuis le début de l’année. « Ils ont droit à deux minutes d’appel. « Ensuite, on sensibilise le migrant sur l’importance d’avoir de l’eau et surtout de mémoriser deux ou trois numéros de sa famille pendant le voyage », explique Abdoul Razak Aliou, volontaire de la Croix-Rouge nigérienne.
Pour le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, il ne s’agit ni d’encourager ni de décourager la migration, mais d’apporter tout simplement une réponse à des besoins humanitaires criants et de la dignité à celles et ceux qui ont choisi la route.
HI (avec CICR)