Journée mondiale de l’Afrique : La Suisse salue « le travail remarquable » de l’Union africaine

Mme l'Ambassadrice Siri Walt, Cheffe de la DASF. Photo: DFAE

Dans le calendrier diplomatique international, le 25 mai de chaque année est la Journée de l’Afrique. Elle marque l’anniversaire de la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), ancêtre de l’Union africaine. Dans le cadre de cette Journée, nous vous proposons ci-dessous, une interview à reflets suisse-afrique, de Mme l’Ambassadrice Siri Walt, Cheffe de la Division Afrique subsaharienne et Francophonie au DFAE (Département fédéral des Affaires étrangères).

L’Afrique est le continent le plus proche de la Suisse. Elle entretient aussi, depuis des décennies des relations multiformes. Quel message de la Suisse, à l’occasion de sa journée internationale?

En ces temps de COVID-19, la Suisse réitère son message de soutien au continent africain, ses populations et ses Etats. La Suisse s’engage en fonction de ses moyens et ses possibilités, sur le terrain, pour lutter contre les effets du coronavirus.

Le continent africain a une grande importance pour la Suisse. Nos intérêts communs portent en ce moment sur la lutte contre le COVID-19 et ses effets, mais également la promotion économique, la paix et la sécurité, le respect des droits de l’homme, les approches partenariales dans le domaine de la politique migratoire, le développement durable et la bonne gouvernance.

La Suisse dispose d’un partenariat bien développé avec l’UA, par exemple dans le domaine paix et sécurité où elle soutient depuis plus de dix ans maintenant l’architecture africaine de paix et de sécurité. Elle s’engage également auprès de l’organisation continentale dans le domaine de la sécurité alimentaire ou encore de la migration. La Suisse souhaite encore approfondir sa collaboration avec l’Union africaine et va ainsi soutenir l’organisation continentale dans sa lutte contre le COVID-19. Avec le soutien de ses Etats membres, l’UA effectue d’ailleurs un travail remarquable que ce soit aux niveaux politique, sanitaire, économique dans ce domaine.

Vous avez évoqué tout à l’heure le contexte de la pandémie Covid-19 dans lequel a lieu l’édition 2020 de Journée de l’Afrique. Que vous inspire cette situation ?

Tous les continents sont affectés par le Covid-19. Dans les États, où sévissent la pauvreté, les conflits et les catastrophes, la situation déjà précaire se dégrade encore. Dans ce contexte, la Suisse se montre solidaire et renforce son soutien aux pays les plus vulnérables, également sur le continent africain. Il est à relever toutefois que plusieurs Etats subsahariens ont bien géré cette crise sanitaire de manière autonome.

La Suisse reconnait par ailleurs le rôle important joué par l’UA, notamment au travers de son Centre for Disease Control and Prevention (CDC) et son Conseil paix et sécurité, dans la lutte contre la pandémie sur le continent africain. Elle a ainsi décidé de soutenir le « rumor tracking system » du CDC, un instrument d’alerte précoce et de prévention qui permet de lutter contre les fausses rumeurs concernant la pandémie.

De nombreuses voix se sont élevées pour exprimer leur inquiétude pour l’Afrique face à la Covid-19, du fait de sa vulnérabilité et de la pauvreté des pays. Comment la Suisse marque-t-elle sa présence aux côtés du continent dans le cadre de la pandémie?

En matière de coopération au développement, la Suisse a ainsi pu réagir de manière rapide et efficace à la crise. Elle a procédé à des ajustements ciblés afin d’atténuer les conséquences économiques et sociales de la pandémie. Le gouvernement suisse a décidé de contribuer, à hauteur de 400 millions de francs aux actions menées à l’échelle internationale pour atténuer les effets de la pandémie, en particulier dans les pays en développement. Les principaux récipiendaires seront, notamment les Nations Unies, l’Organisation Mondiale de la Santé et à la fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

En outre, la Suisse a participé à la récente augmentation des capitaux du Groupe de la Banque Mondiale et de la Banque de Développement Africaine à hauteur de 297 millions CHF (185.2 milliards de francs CFA) sous forme de capital d’apport et 2,2 milliards CHF (1’371,9 milliards de franc CFA) sous forme de capital exigible. Ces contributions font de la Suisse le troisième contributeur sur une base « par habitant ».

Au-delà de cette marque de solidarité envers l’Afrique, quelle est la place de l’Afrique dans les relations internationales de la Suisse?

La Suisse est présente en Afrique subsaharienne depuis plus de 60 ans au niveau politique et déploie   ses divers instruments de coopération depuis les années 1970. Elle y dispose d’un vaste réseau de représentations (15 Ambassades, 2 Consulats généraux, 10 bureaux de coopération et 20 consulats honoraires). Afin de garantir une mise en œuvre cohérente des objectifs de politique étrangère dans le contexte africain en impliquant l’ensemble des acteurs concernés, la Suisse est en train de se doter d’une stratégie Afrique.

Le continent africain gagne sans cesse en importance géopolitique et les défis auxquels cette région est confrontée sont au cœur des préoccupations de la politique étrangère de la Suisse. Du point de vue sécuritaire, la paix et la stabilité en Afrique constituent un intérêt important pour notre pays. Au-delà de cet aspect, ce continent recèle un potentiel démographique et économique considérable, souvent sous-exploité faute de conditions-cadres appropriées. La Suisse soutient une croissance durable des pays africains et entend aider la région à relever ses défis dans un esprit de partenariat.

Comment ont évolué les relations suisse-afrique, depuis la dernière journée de l’Afrique ?

Il y a eu de nombreuses rencontres de Haut Rangs entre nos Conseillers fédéraux et leurs homologues africains. De plus, la Présidente du Conseil National Marina Carobbio a participé, en avril 2019, aux commémorations officielles du génocide au Rwanda. Enfin, le point d’orgue de cette année, a été la visite d’Etat du Président Akufo-Addo du Ghana en février 2020. Celle-ci a été la première pour un Président africain subsaharien depuis plus de 60 ans.

En juillet 2019, un groupe de travail sur la « Vision de la politique étrangère de la Suisse à l’horizon 2028 », mis sur pied par le Conseiller fédéral Cassis, a publié son rapport dans lequel l’Afrique occupe une place prépondérante. Quel commentaire sur cette conclusion ?

L’Afrique occupe une place relativement importante dans l’AVIS28, tant en termes de défis que d’opportunités. Pour les premiers, l’Afrique est évidemment confrontée au changement climatique, conflits, fragilité, pauvreté et migration. Pour relever ces challenges, la coopération au développement et la consolidation de la paix continuent évidemment à occuper une place centrale. L’Afrique est une région prioritaire de la Stratégie de Coopération Internationale 2021 – 2024 de la Suisse, qui recevra 71% des engagements bilatéraux de la Coopération suisse (dont 60% pour l’Afrique subsaharienne). Ceci notamment du fait que selon les prévisions de la Banque mondiale, d’ici 2030, 90 % des personnes vivant dans l’extrême pauvreté se situeront en Afrique subsaharienne. En outre, l’Avis28 souligne également le potentiel économique du continent, raison pour laquelle, la présence de la Suisse en Afrique devrait également être renforcée.

D’une manière générale, l’AVIS28 recherche une approche plus globale de notre politique étrangère à l’égard de l’Afrique, une approche qui tienne compte à la fois des défis et des opportunités. Outre les pays prioritaires classiques de la DDC, ce rapport se concentre, à titre d’exemple, sur d’autres partenaires africains tels que l’Éthiopie, le Ghana, le Kenya, le Nigeria, le Sénégal, l’Angola et bien sûr l’Afrique du Sud en tant que moteurs économiques potentiels.

Comment appréciez-vous l’évolution politique et économique de l’Afrique ?

L’Afrique est un continent aux mille facettes. Ainsi, même au sein de l’Afrique subsaharienne, il existe d’énormes différences. Comme l’Afrique n’est pas un monolithe, une politique différenciée à l’égard de de ce continent est donc nécessaire.

Du point de vue économique, il est important de noter qu’aujourd’hui de nombreux pays d’Afrique ne veulent plus d’aide classique mais des investissements dans le secteur privé. Le président ghanéen l’a clairement exprimé lors de sa visite d’État en février. Une fois la crise du COVID-19 passée, plusieurs pays à forte croissance continueront d’être des partenaires économiques intéressants. Cependant, l’amélioration des conditions-cadres et du climat des affaires restent essentiels afin d’attirer des entreprises suisses sur le continent.

Quant à l’évolution politique, là encore, le continent africain n’est pas uniforme. De manière constante, la Suisse s’engage en faveur des droits de l’Homme, du renforcement de l’Etat de Droit et de processus électoraux libres et transparents.

 Propos recueillis par IC